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4,1 km/seconde sur plus de 150 km : telle est la vitesse de propagation du séisme de magnitude 7,5 survenu en Indonésie en septembre 2018, déterminée par une équipe internationale de chercheurs de l’IRD, d’Université Côte d’Azur (UCA), de l’Université de Californie à Los Angeles et de l’Institut de Technologie de Californie.
Ces résultats, qui apportent également un éclairage sur le trajet de la faille, sont publiés dans la revue Nature Geoscience le 4 février 2019.

Les tremblements de terre se produisent lorsque les roches situées de part et d'autre d'une faille tectonique se déplacent brusquement dans des directions opposées. La faille produit alors deux ondes sismiques principales : les ondes « S », qui cisaillent les roches et se propagent à environ 3,5 km/s, et les ondes « P », qui compriment les roches et se propagent plus rapidement, à environ 5 km/s.

Les observations géophysiques montrent que les tremblements de terre se propagent généralement soit plus lentement que les ondes « S », soit presque aussi vite que les ondes « P ». Les séismes plus rapides que les ondes « S », appelés « supershear », sont très rares et peuvent produire de très fortes secousses. Seuls quelques-uns ont été observés. Ils se sont produits sur des failles remarquablement rectilignes, sortes « d’autoroutes géologiques » qui présentent peu d'obstacles à la propagation.

Domaine de vitesse « interdit »

Grâce à une analyse haute résolution de données sismologiques, les chercheurs ont identifié la vitesse de propagation du tremblement de terre : 4,1 km/seconde. Une vitesse inhabituelle, puisque comprise entre la vitesse des ondes « S » et celle des ondes « P ». « C’est la première fois que l’on observe cette vitesse de rupture de manière aussi stable », souligne Jean-Paul Ampuero. « Ce séisme entre donc dans le domaine de vitesse « interdit » et peut être considéré comme un événement « supershear », même s’il n’est pas aussi rapide que les précédents ».

En analysant les images optiques et radar enregistrées par des satellites spécialement chargés d’observer les conséquences du séisme, les chercheurs ont ensuite déterminé le trajet de la faille. Ils ont constaté que la faille n’était pas rectiligne - elle présentait au moins deux courbes majeures - et qu’elle avait décalé le sol de plus de 5 mètres à travers la ville de Palu. « Ce trajet, présentant des obstacles importants, aurait dû réduire la vitesse de propagation, mais elle s’est maintenue à 4,1 km/s le long des 150 km de rupture », s’étonne Jean-Paul Ampuero.

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Sur la carte à gauche, le fond coloré représente le déplacement du sol induit par le séisme de Palu et la fine ligne noire représente la faille, toutes deux dérivées d'images radar satellitaires.
Le point noir est la ville de Palu. Les cercles représentent des zones qui ont émis des ondes lors du séisme. Leur couleur indique le temps (bleu au début, rouge à la fin).

La figure montre le temps et la position des sources sismiques. Leur alignement indique une vitesse de rupture constante d’environ 4,1 km/s.

© HanBao et al., Nature Geoscience.

Vers une meilleure anticipation des séismes futurs ?

Ces résultats défient les modèles actuels de tremblements de terre. Ils pourraient aider les chercheurs et les pouvoirs publics à mieux se préparer aux événements futurs. « Dans les modèles classiques de tremblement de terre, les failles vivent dans des roches intactes idéalisées », précise Jean-Paul Ampuero. « Les failles réelles sont enveloppées dans une couche de roches fracturées et ramollies par les tremblements de terre précédents. Des ruptures à des vitesses qui sont inattendues sur des roches intactes peuvent en réalité se produire sur des roches endommagées, parce que les ondes sismiques s’y propagent plus lentement ».

Le séisme de Palu pourrait ainsi constituer le premier test de ces modèles récents. Des études de l’architecture de la faille et de sa zone de roches endommagées doivent pour cela être réalisées. Puisque l'impact d'un séisme dépend fortement de sa vitesse, les chercheurs suggèrent d’étendre ces études à d'autres failles dans le monde, afin de mieux anticiper les effets des séismes.

L’équipe de chercheurs envisage de poursuivre ses travaux, pour déterminer si la vitesse du séisme de Palu a favorisé les glissements de terrain côtiers et sous-marins, qui auraient à leur tour pu contribuer au tsunami.

Cette étude a été financée par la National Science Foundation (NSF, Etats-Unis) et la National Aeronautics and Space Administration (NASA, Etast-Unis). Elle a bénéficié de financements du gouvernement français via le projet Investissements d'Avenir UCA-JEDI et le projet FAULTS_R_GEMS de l'Agence Nationale de la Recherche.

Contacts presse

• Service presse IRD : Cristelle Duos | presse@ird.fr | 04 91 99 94 87
• Service de presse Université Côte d’Azur : Delphine Sanfilippo | Delphine.SANFILIPPO@univ-cotedazur.fr | 04 92 07 69 25
• Chercheur : Jean-Paul Ampuero, géologue à l’IRD et à l’Université Côte d’Azur (UMR Géoazur)
| jean-paul.ampuero@ird.fr | 04 83 61 86 59

Pour en savoir plus

Référence de la publication : Han Bao, Jean-Paul Ampuero, Lingsen Meng, Eric J. Fielding, Cunren Liang, Christopher W.D. Milliner, Tian Feng and Hui Huang. Early and persistent supershear rupture of the 2018 magnitude 7.5 Palu earthquake, Nature Geoscience, 4 février 2019. DOI: 10.1038/s41561-018-0297-z.

Référence : communiqué de presse IRD - UCA du 4 février 2019