Des scientifiques de laboratoires du CNRS Terre & Univers et de l’Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection (ASNR), viennent de montrer que le séisme du Teil, un des derniers séismes importants en France, a été en grande partie contrôlé par la nature des roches dans lesquelles il s’est produit. L’étude utilise des données d'Epos-France. Elle a été publiée dans la revue Journal of Geophysical Research – Solid Earth de l’American Geophysical Union.
Le 11 novembre 2019, la ville du Teil (Ardèche) et les communes alentour étaient frappées par un séisme de magnitude Mw 4.9. Si ce séisme n’a pas fait de victimes, il a occasionné des dégâts importants sur des centaines de bâtiments. Le séisme du Teil représente un évènement exceptionnel en France car il s’est produit à très faible profondeur, environ 1 km, ce qui est extrêmement rare, la plupart des séismes étant plus profond que 5 km. Ce séisme est le résultat de la rupture jusqu’en surface et sur une longueur de 4,5 km de la faille de la Rouvière. C’est la première fois en France qu’une rupture de surface co-sismique est observée de façon aussi évidente. Du fait de la faible profondeur du séisme, les scientifiques n’ont pas pu reconstituer avec une précision exceptionnelle les relations directes entre les propriétés des couches géologiques, la propagation de la rupture le long de la faille et la localisation des répliques.
Un fort glissement de la partie la plus superficielle de la faille
En analysant conjointement les enregistrements des ondes sismiques produites par le séisme, et les mesures satellitaires de déplacement de la surface du sol avant et après le séisme, les scientifiques ont estimé précisément la répartition du glissement sur la faille de la Rouvière. Les résultats montrent que le glissement sur la faille s’est essentiellement opéré entre la surface et 1 km de profondeur, avec une valeur maximum d’environ 30 cm, dans la partie la plus superficielle (0-500 m de profondeur).
Un séisme avec très peu de répliques
Une autre singularité mise en évidence par cette étude est le faible nombre de répliques produites par le séisme principal. En effet, seule une centaine de répliques, dont la magnitude maximum est 2.5, a été détectée. En comparaison, des séismes de magnitude équivalente à celui du Teil produisent en général 10 à 100 fois plus de répliques.
Une sismicité contrôlée par la nature des couches géologiques
L’étude met également en évidence deux observations majeures sur le contrôle géologique des ruptures sismiques. (i) Entre le foyer du séisme et la surface, la rupture du séisme principal s’est propagée à travers deux couches géologiques aux propriétés physiques très différentes. A 1 km de profondeur, la rupture s’est initiée dans des roches de résistance moyenne (calcaire marneux) qui peuvent rompre sans avoir à accumuler beaucoup de contraintes tectoniques, ce qui explique que sur cette partie profonde de la faille on observe un glissement de faible ampleur (une dizaine de centimètres). La rupture s’est ensuite propagée vers la surface dans des calcaires massifs, beaucoup plus résistants et capables d’accumuler un fort taux de contraintes avant de casser. Il en résulte le plus fort glissement observé, de l’ordre de 30 cm, entre environ 500 m de profondeur et la surface. (ii) Les répliques quant à elles, sont principalement localisés dans une épaisse couche de marnes qui sont pourtant des roches peu résistantes et donc peu susceptibles d’accumuler suffisamment de contraintes tectoniques pour initier des séismes. Nous proposons que la centaine de répliques détectées à la suite du séisme du Teil ont été produites par des ruptures dans les bancs calcaires intercalés dans les marnes.
Une telle analyse permet de comprendre les relations mécaniques entre les caractéristiques des couches géologiques fracturées et l'étendue du glissement sur le plan de faille qui contrôle la magnitude du séisme. Les relations mises en évidence dans cette étude sont-elles généralisables aux séismes plus profonds et de plus fortes magnitudes ou le séisme du Teil est-il une exception du fait de sa très faible profondeur ?
Laboratoires CNRS impliqués :
Laboratoire Géoazur (GEOAZUR - OCA) Tutelles : CNRS / IRD / OCA / UniCA
Géosciences Montpellier (GEOSCIENCES MONTP. - OREME) Tutelles : CNRS / Univ Montpellier
Référence : article paru dans les actualités du CNRS-ISU le 20 oct. 2025
Pour en savoir plus :
Godano, M., Larroque, C., Delouis, B.,Ampuero, J.‐P., Arzu, F., Courboulex, F.,et al. (2025). Back to the source:Connecting the seismological observationsof Le Teil earthquake (Mw 4.9, 2019/11/11, France) to the local geology. Journal of Geophysical Research: Solid Earth, 130,e2025JB031133.
Contacts :
Maxime Godano
Enseignant chercheur de l'université Côte d'Azur au laboratoire Géoazur (GEOAZUR - OCA)
godano@geoazur.unice.fr
Jean-François Ritz
Chercheur CNRS au laboratoire Géosciences Montpellier (OREME)
jean-francois.ritz@umontpellier.fr