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(50000) Quaoar : première détection d’une occultation par un objet transneptunien depuis l’Europe

Quand un objet du Système Solaire passe devant une étoile durant une « occultation », il offre aux astronomes l’opportunité d’obtenir sa taille et sa forme avec précision. Il y a quelques semaines, la détection d’une occultation stellaire par un gros objet Trans Neptunien (évoluant au-delà de la position de Neptune) a été observée pour la première fois depuis le continent européen. L’Observatoire de la Côte d’Azur a joué un rôle crucial dans ce succès. La taille de l’objet dénommé (50000) Quaoar a ainsi été mesurée.

Au cours de leur mouvement dans le ciel, les corps du Système Solaire passent de temps à autre devant une étoile. De telles occultations d’étoiles par des astéroïdes sont très courantes, mais elles sont difficiles à prédire et à observer pour les objets Trans-Neptuniens (évoluant dans la Ceinture de Kuiper au-delà de Neptune) bien plus distants, qui peuplent les parties externes du Système Solaire. Néanmoins, les occultations stellaires se sont avérées être d’une importance fondamentale pour déterminer les caractéristiques de ces objets. Pour cette raison, le succès de l’observation d’une occultation de l’objet (50000) Quaoar le 17 Février 2012 est remarquable. De plus, cette observation constitue la première détection positive depuis l’Europe car jusqu’à présent, les événements positifs avaient tous été observés depuis l’Amérique du Sud.
L’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA) a joué un rôle majeur dans ce succès : P. Tanga (Laboratoire Lagrange, OCA) a pu observer l’événement depuis un site localisé à Tourrette-Levens (à 10 km de Nice). Au même moment, le télescope robotisé TAROT (sous la responsabilité de M. Boer, OCA) situé sur le plateau de Calern, le site d’observation de l’OCA, utilisé par A. Klotz (IRAP, Toulouse) et E. Frappa (réseau Euraster), a permis une observation complémentaire. Deux autres astronomes ont observé l’occultation avec succès : J. Lecacheux (LESIA, Observatoire de Paris, depuis Valensole, Alpes de Haute-Provence) et S. Sposetti (Observatoire de Gnosca, Suisse).

L’observation réelle est seulement la dernière étape de la chaine d’action, car la prédiction de ces événements est une tâche ardue. En effet, l’étoile occultée projette une ombre sur Terre (comme lors d’une éclipse du Soleil), mais la trajectoire exacte de cette ombre à la surface de notre planète est très difficile à déterminer à l’avance. Les mesures précises de position pendant plusieurs semaines/jours précédant l’événement ont permis d’améliorer ces prédictions, notamment grâce à la collaboration de différents groupes tels que ceux dirigés par M. Assafin (Rio de Janeiro, Brésil), R. Behrend (Obs. de Genève, Suisse), et J.-L. Ortiz (Grenade, Espagne), et la coordination établie par B. Sicardy (LESIA, Observatoire de Paris).

Ces observations délicates délivrent des informations précieuses sur les caractéristiques de ces objets transneptuniens. Ainsi, la vitesse de ces objets étant bien connue, en mesurant la durée d’une occultation, on peut déterminer la taille du corps qui occulte l’étoile. Sans l’opportunité de cet événement astronomique, il faudrait connaître la magnitude absolue du corps ainsi que son albédo (fraction de lumière réfléchie par la surface du corps, provenant du Soleil), qui exige le recours à des techniques d’observations complexes (dans l’infrarouge thermique, ou en utilisant la polarimétrie). Mais des complications existent aussi dans le cas d’une occultation. En effet, selon sa chance, un observateur peut se situer seulement à la fin de la trajectoire de l’ombre (il/elle verra alors seulement une brève occultation de l’étoile), ou bien juste au milieu (occultation plus longue), ou bien encore à n’importe quel endroit entre ces deux positions. En pratique, plusieurs observateurs chanceux sont nécessaires pour tracer la silhouette du corps projetée sur le ciel, dans une sorte de théâtre d’ombres chinoises !

La réussite de ces observations constitue donc un succès scientifique car les objets Trans-Neptuniens sont si éloignés et si peu lumineux que les autres techniques ne sont pas capables de fournir des estimations précises de leurs dimensions. Les observations dans l’infrarouge lointain – domaine spectral dans lequel la quantité de radiation thermique peut être reliée à la taille de l’objet – sont très difficiles pour des corps si froids.

Les occultations stellaires et les déterminations directes de diamètre sont précieuses pour notre compréhension des objets lointains du système solaire. Aussi, les indications concernant les formes d’un objet déduites d’une occultation fournissent des informations sur sa structure interne et peuvent permettre de déterminer sa densité. La taille modeste des télescopes utilisés - pour (50000) Quaoar, tous les instruments sont d’un diamètre de 20-40 cm – constitue un avantage supplémentaire et démontre l’efficacité de la technique.
Les perspectives concernant les occultations stellaires sont prometteuses : l’OCA est impliqué activement dans la mission spatiale Gaia de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), qui sera lancée en 2013 et améliorera fortement les prédictions d’occultation grâce à ses mesures extrêmement précises des positions à la fois des étoiles et des corps du Système Solaire.

"Résultat préliminaire de l’occultation de Quaoar observée avec un télescope de 35 cm de diamètre par P. Tanga du Laboratoire Lagrange(UNS, CNRS, OCA). Chaque point correspond à une mesure de luminosité de l’étoile au cours du temps. L’étoile disparaît entre les lignes bleue et verte. La duré de la disparition est d’environ 50 s."
"La prédiction “dernière minute” de l’occultation stellaire pour l’objet (50000) Quaoar. Les deux lignes noires délimitent la trajectoire de l’ombre. Les points verts représentent les positions d’observateurs potentiels. La zone en gris foncé du globe terrestre est dans la nuit au moment de l’événement, tandis que la zone en gris claire correspond au crépuscule du matin."
"Sur cette succession d’images, on distingue l’occultation de l’étoile (au centre) par l’objet Quaoar."

Contact Chercheur : P. Tanga (UMR7293 Lagrange, OCA), email : tanga@oca.eu

Liens intéressants

Bruno Sicardy, prédiction des occultations stellaires par des TNOs

Occultation par Eris, Nov 6, 2010

TAROT et Quaoar